LE SERMENT DES SAGES FEMMES DE MELZ SUR SEINE EN L’AN 1749

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Église de Melz sur seine

La cure du prieuré de la Fontaine aux Bois sise sur le village de Melz sur Seine bruit de mille sonorités en ce matin du 26 août 1749.
Le prieur, un rude curé se nommant Fischer a réuni les membres importants de sa paroisse. Il y a l’ensemble des membres du conseil de la paroisse, le recteur des petites écoles et un peu à l’écart 2 femmes d’un certain âge qui attendent anxieuses.

Le père les rejoint et les rassure.

Soudain la personne tant attendue par tous, apparaît, montée sur une mule avec 2 personnes à sa suite l’archidiacre pénètre dans la cour du prieuré.

Le personnage de noble naissance est important, bras droit de l’évêque il administre le temporel du diocèse. Le vicaire épiscopal a la pleine confiance de Monseigneur Évêque de Sens. L’archidiacre a une culture ecclésiale à toutes épreuves et ne sera pas pris en défaut.

A peine arrivé il commence l’inspection et pose des questions à tous les villageois présents.
L’activité du père Fischer est passée au crible.
Puis le tour des 2 femmes arrive, elles sont là pour prêter serment afin d’exercer l’activité de sage femme. Le vicaire s’assure avant la prestation de la bonne moralité des 2 villageoises.

Mais pourquoi ce serment ?

 

En cette époque les femmes chargées d’assister les parturientes pendant leur couche sont les héritières des déesses mères, un peu sorcières dispensatrices de vie et de mort. Elles sont craintes et respectées. Très peu de médecin et de chirurgien officient dans les campagnes. Ces matrones aux connaissances empiriques transmises de mère à fille ou de femme à femme sont les seules à aider de leur savoir les femmes qui accouchent.

Bien évidement leurs connaissances obstétricales sont nulles et leur hygiène déplorable. Madame Du Coudray célèbre sage femme avant-gardiste ( 1712-1790 ) parle de génocide. Les femmes estropiées et mutilées à vie par leurs interventions sont fortes nombreuses.

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Madame Du Coudray

Mais ce qui préoccupe en premier lieu les autorités religieuses n’est pas la sur mortalité pendant les accouchement mais plutôt l’absence de baptême pour ces petites âmes. L’église imagina donc de former les sages femmes (ou de les récupérer ) afin qu’elles puissent ondoyer les bébés en péril de mort. Les curés se chargèrent de la formation. La principale mission de la sage femme ( aux yeux du curé ) fut donc de sauver les principes religieux et la discipline ecclésiastique. Les synodes épiscopaux exigèrent donc qu’une sage femme soit désignée par village.

Une moralité à toute épreuve est exigée et Monsieur le Curé délivre un certificat. La sage femme est désignée quand à elle par l’assemblée des femmes du village réunit à l’église en présence du curé et de la fabrique.

La bonne femme a l’ignorance crasse et aux ongles noirs doit être bonne chrétienne et savoir baptiser, même in-utéro.
Le curé intronise donc la matrone qui s’engage à ne rien faire de superstitieux, d’être de bonne vie et de bonnes mœurs. La prestation de serment se fait  sur l’évangile . Le prêtre fixe également la redevance due par accouchement. La main mise de l’église est totale, le concile de Trente ( 1548-1563 ) précise que l’évêque ou l’archidiacre doit à chaque visite se faire présenter la sage femme. Un peu héritière des sorcières du moyen âge, ces femmes sont étroitement surveillées par le curé.

Les sages femmes pratiquent donc l’ondoiement du bébé lorsqu’il y a péril de mort, l’âme de l’enfant ne doit pas rejoindre les limbes ( désigne un état de l’au-delà situé aux marges de l’enfer ). Ce petit baptême qui on le rappelle, permet à l’enfant d’être enterré dignement peut même être pratiqué in-utéro par application sur une partie visible ou à l’aide d’une seringue .

Aujourd’hui les 2 femmes qui attendent l’archidiacre ont été choisies par la communauté et possèdent tous les critères voulus par notre Sainte Mère l’église.

Le vicaire va donc les interroger sur leurs connaissances religieuses et elles vont prêter le serment devant lui et devant Dieu. Tout se passe pour le mieux, le noble personnage  est satisfait et nos praticiennes peuvent officier dans le village.

Françoise Jacquereaux et Anne Calmet soulagées, regagnent leur domicile.

Françoise est mariée à Nicolas Fayolle un laboureur du hameau de Blunay elle a déjà 47 ans quand le vicaire lui fait prêter le serment, elle a une expérience personnelle de l’enfantement car elle a donné vie à 9 enfants et a assisté à de nombreux accouchements. Elle n’a comme les autres aucune connaissance obstétricale. Elle décède en 1763 respectée par tous.

Anne est la veuve d’Hubert Ploquet, vigneron et sergent de prévôté, elle a 50 ans et a eu 3 enfants, elle n’officiera pas longtemps car elle meurt en 1750.

Ces femmes, l’une mariée et l’autre veuve d’une cinquantaine d’années prêtent donc serment en ce 26 août 1749, elles pourront donc officiellement exercer leur activité de  » sage femme  »

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Nota : Le prieuré a totalement disparu, seules subsistent quelques pierres et la fontaine, à la place une grosse ferme Seine et Marnaise avec un gite rural. En contre bas de la Nationale 19, le prieuré n’est plus entouré d’arbres mais de  champs.

J’ai délibérément placé l’action de prestation de serment à la cure du prieuré, mais cela est arbitraire, la cure de l’église de Melz aurait pu être également choisie.

Melz sur Seine se trouve à 14,6 km de Provins et à 12 km de Nogent sur Seine

 

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